La naissance d’Enzio
Novembre 2020
Une naissance merveilleuse
La lumière est tamisée, la pièce est calme. Nous sommes seuls, mon compagnon et moi-même, dans la salle de travail. Tandis que je suis à genoux sur le lit à l’écoute de mes sensations corporelles, mon compagnon me parle avec une voix douce et profonde. Il me dit que je suis en train d’emprunter un chemin et que l’on voit une lumière à l’horizon, que bientôt l’on arrive au bout de cette route, que l’on avance mais toujours dans le calme et la quiétude. Ainsi l’hypnose fait son effet, et sa présence m’apaise. Depuis 2h environ je suis dans cette position, dans une demi-conscience, mon corps me dit de pousser, alors je l’écoute. Si bien qu’un moment la tête apparait, nous sommes toujours seuls. Quelques secondes plus tard, mon bébé est dans mes bras. Son corps est sorti après quelques respirations supplémentaires, je l’ai saisi et porté à ma poitrine. Je me suis allongée heureuse et soulagée, puis mon compagnon a appelé l’équipe médicale.
Nous sommes le 23 novembre, il est 00h20. C’est une nuit magnifique. Une nouvelle vie pour moi et mon compagnon qui débute. La naissance de notre premier enfant, Enzio, un beau bébé de 3.850 kg, né dans la douceur.
Commençons au début...
Aux alentours de 18h, une semaine avant mon terme, je passais le balai dans la bonne humeur avec mon ventre bien arrondi. C’est alors qu’un liquide clair s’est déversé sur le sol. La poche des eaux venait de se rompre. Ça y est, le jour tant attendu est arrivé ! Aussitôt j’appelle Clément, mon compagnon. Coup de stress. Pic d’adrénaline. Non, tout va bien, on respire. On garde son calme. On s’est bien préparé, tout va se passer comme prévu. A ce moment-là, dans mon esprit défilent les heures de formation à l’HypnoNaissance, puis les séances de préparation avec une sage-femme hypnothérapeute. Je suis bien préparée, c’est le moment de mettre tout ça en application. Mais rien ne se passe…
Aucune contraction. Le liquide continue de s’écouler par petit filet, mais je n’ai pas de sensations. Les minutes s’écoulent. Je sais que le travail doit se mettre en place dans les 2h, sinon je devrais me rendre à la maternité, or je veux éviter un déclenchement artificiel. Déjà 30 min se sont écoulées, Clément est auprès de moi. A l’aide de ses doigts il presse des points d’acupression sensés faciliter le déclenchement du travail. Nous suivons un guide papier devant nos yeux, nous n’y connaissons pas grand-chose, mais on tente. Les minutes passent, on teste différents points, différentes positions mais toujours rien. Soudain, presque 1h30 après que la poche s’est rompu, une sensation intense commence à monter dans mon ventre. Ça y est. Aussitôt les « vagues », les contractions s’enchainent rapidement. Je me coule un bain chaud. L’eau me calme, m’apaise. Je suis en position quatre pattes, la seule qui m’est confortable. Je suis dans une demi-conscience, je n’ai d’ailleurs plus de notion du temps. Mon compagnon est toujours auprès de moi. Il commence à me guider dans ma transe hypnotique, ses mots me calment, m’accompagnent dans cet instant délicat. En parallèle, il continue les points d’acupression, mais cette fois-ci ses doigts pressent des zones qui aident à calmer les sensations. Sa présence me soulage, si bien que lorsqu’il s’éloigne pour préparer les affaires, je l’appelle aussitôt. Il n’a pas de répit. A ce moment-là, j’ai une contraction toutes les 2 minutes. Je vois mon ventre qui se gonfle irrépressiblement, je sens mon utérus qui se dilate, puis se contracte.
Déjà plus de 2h que le travail a démarré et que Clément se tient à mes côtés. Il ne peut s’éloigner 2min, pas même pour préparer les valises. D’ailleurs, il a pris son téléphone et chronomètre la durée des contractions. Celle-ci sont très rapprochées, il est temps d’y aller. Mais je n’arrive pas à bouger, je suis bien dans l’eau même si elle s’est bien refroidie (enfaite je n’y prête même pas attention, toute ma conscience est tournée vers ma respiration et mes sensations internes). Clément insiste, il me dit qu’il est temps que l’on parte à la maternité. Alors il m’aide à sortir du bain.
Après un effort colossal pour m’habiller et me glisser dans la voiture, nous quittons la maison pour la maternité. Il est presque 22h.
Le trajet, bien que bref (à peine 10min), est difficile. Je ne me suis pas attachée, je préfère rester en position 4 pattes. Clément tout en conduisant continue de me parler, de me guider dans mon état d’hypnose. Il m’insuffle le calme et la douceur. Il me propose une suggestion qui va beaucoup m’aider : « Gwenaëlle, tout va bien, tu continues de te détendre. A mesure que nous roulons le travail progresse. Nous rentrons dans une nouvelle phase de ce travail, et dès que nous arriverons à la maternité tu seras prête pour la naissance de notre enfant. »
Après avoir grillé quelques feux sur les boulevards vides à l’heure du couvre-feu, nous arrivons à la clinique. A cette heure, plus de 22h, nous devons passer par les urgences pour rejoindre la maternité. Le lieu est calme comme endormi, on ne croise personne. Nous empruntons les escaliers pour nous rendre au 2ème étage. Je suis agrippée à Clément, il ne me guide plus seulement par la voix mais physiquement aussi. A la maternité nous sonnons. Je m’accoude au radiateur, me tenant le ventre, toujours dans une demi-conscience. La sage-femme ouvre la porte et comprend immédiatement la situation. Clément explique posément : « Ma femme est en train d’accoucher, elle a des contractions régulières toute les 2min depuis 2h déjà, elle a prix des antibiotiques aux alentours de 18h car elle a un strepto B. Nous souhaitons un accouchement physiologique sans péridurale. » Aussitôt la sage-femme nous guide vers la salle de travail. Je me déshabille et m’installe sur le lit. La sage-femme veut procéder à un contrôle mais Clément lui répond que ce ne sera pas nécessaire. Au début elle insiste, mais comprend vite que le travail est déjà bien engagé alors elle nous laisse faire. Elle pose simplement le monitoring pour contrôler l’état du bébé. Tout va bien. Clément lui donne notre plan de naissance pour qu’elle le lise. L’endroit est calme, il n’y a personne d’autre que nous ce soir. Quelques instants après notre arrivée dans la pièce, une auxiliaire arrive et donne des documents à Clément, lui disant de les remplir. Elle doit penser que les hommes ne servent qu’à ça, qu’ils s’ennuient pendant que leur femme souffre. Ce n’est pas le cas de mon compagnon, il pose les papiers et s’en désintéresse pour revenir vers moi. Je suis donc à 4 pattes sur ce lit d’hôpital. La lumière est douce, il y a peu de bruit, hormis la voix de Clément qui m’accompagne. La sage-femme nous propose le ballon, mais au stade où j’en suis il ne sera pas utile. J’ai envie de pousser. A cet instant tout va bien, l’intensité des contractions est redescendue. J’essaie de diriger mon souffle vers le bas. Nous resterons encore plusieurs minutes ainsi, moi sur ce lit, nue, immobile, les genoux sur le matelas, les mains sur le dossier incliné. Clément à mes côtés, effleurant mon dos avec ses mains, m’apportant un sentiment de bien-être.
La porte entrouverte, on entend que la sage-femme passe un appel, elle prévient le médecin : « Une femme est en train d’accoucher, elle est avec son mari qui lui fait de l’hypnose. Tout va bien. »
Je sens la tête qui s’engage dans le canal. Quelques instants plus tard ça y est, Enzio est là. Je tiens mon fils dans mes bras. Il est beau. Il est calme. Sa tête est toute déformée, tel un ballon de rugby, c’est drôle à voir. Alors que nous pensions avoir fait le plus dur, c’est le branle-bas de combat. Tout le monde débarque dans la chambre, la sage-femme, l’auxiliaire et un autre membre de l’équipe médicale. Ils installent le matériel et observent le bébé. Ils invitent Clément à couper le cordon, après avoir attendu qu’il ait cessé de battre. Le bébé allait bien mais il fallait qu’il s’oxygène. Ils ont voulu le prendre, pour aspirer ses voies respiratoires. J’ai refusé, hors de question qu’on éloigne mon bébé de mes bras après cette épreuve. Et puis il était bien là, en peau à peau avec sa maman. Alors, on l’a massé pour stimuler la respiration.
Après un effort supplémentaire, malgré la fatigue, le placenta a fini par sortir. Le gynécologue voulait tirer dessus mais je voulais que les choses se fassent naturellement. Nous avons à peine le temps d’observer ce drôle d’organe sanguinolant, sans qui la vie ne serait possible, qu’il atterrit dans la poubelle.
Enzio prend une teinte plus rose, ce qui rassure le personnel médical. On nous laisse enfin profiter de notre enfant. Enzio commence à téter un peu. Il gesticule sur mes seins. Clément prend quelques photos. Nous sommes heureux. Nous avons eu la naissance que nous souhaitions.
L’auxiliaire fait irruption dans la chambre, il lui faut les papiers, nous les avions oubliés ceux-là. Clément les remplis, après quoi il faut quitter la salle de travail pour descendre en chambre. Mais avant c’est le moment de la pesée. Je souhaite me lever pour rester prêt de mon enfant. Je fais une première tentative mais j’ai aussitôt des vertiges. Le personnel soignant me tient et m’invite à me rassoir. Clément pendant ce temps fait du peau à peau avec notre enfant. Lui aussi peut profiter de ce bébé qui a quelques heures à peine et à besoin de contact physique pour lui procurer de la chaleur et nouer un lien d’attachement. Je réitère ma tentative de me lever mais une nouvelle fois je suis pris de vertige, moi qui pensais être en pleine forme, stimulée par les hormones, malheureusement je suis trop faible. Je suis forcée de me résigner.
Clément emmène Enzio dans la salle de pesé, accompagné de la sage-femme, tandis que je reste devant la porte, sur mon lit, observant la scène de loin. Enzio est mesuré, pesé, observé. Alors qu’il est allongé sur la table à langer, il fait son premier pipi, qui arrose la sage-femme. Il a déjà de l’humour ce garçon 🙂
Après quelques manipulations, la prise de vitamine, je retrouve mon bébé. Nous rangeons nos affaires, il est temps de descendre dans la chambre pour finir la nuit. Mais nous sommes en période de Covid et les règles en vigueurs interdises aux pères de rester la nuit. Il était pourtant déjà 3h du matin. Plus tôt, les infirmières avaient indiqué à mon conjoint qu’il allait devoir rentrer pour revenir le lendemain à 8h30. Puis, mesurant l’absurdité de la situation, et certainement convaincu que la présence du père était essentielle suite à ce qui venait de se dérouler, la sage-femme répondit : « Bon, on va surement se faire taper sur les doigts, mais c’est d’accord. Vous pouvez rester pour cette nuit. »
Dans l’ascenseur pour rejoindre la chambre, la sage-femme confie à Clément : « Je suis impressionnée. Ce n’est pas souvent qu’on voit des accouchements comme ça. Vous avez vraiment fait du bon travail, vous vous êtes formé ? »
« Oui, on s’est préparé depuis plusieurs mois à l’HypnoNaissance ! »